UE-Mercosur : dans ces conditions, l'Italie n'en veut pas 



Grégoire Hernandez
06/12/2024

Depuis Montevideo jusqu’aux bureaux feutrés de Rome et de Paris, une bataille diplomatique se joue autour d’un accord historique en négociation depuis deux décennies. Derrière des discussions apparemment techniques, des enjeux colossaux se dessinent pour l’Europe, son agriculture et son influence mondiale. Pourquoi l’Italie se démarque-t-elle sur cette question ? Et quelles conséquences pour l’Union européenne ?


Un alignement stratégique avec la France

Rome a été claire : son soutien à l’accord est conditionné à des garanties spécifiques pour le secteur agricole européen. L’Italie craint que l’arrivée massive de produits issus du Mercosur, souvent moins chers et produits selon des normes différentes, ne déstabilise les marchés européens. « Il est crucial que les normes européennes, notamment vétérinaires et phytosanitaires, soient pleinement respectées », insistent les autorités italiennes. Ces normes visent à protéger les consommateurs européens, mais aussi à éviter une concurrence jugée « déloyale » par les syndicats agricoles.

L’Italie n’est pas seule dans ce combat. La France, autre poids lourd européen, affiche depuis longtemps son opposition à l’accord en l’état. Emmanuel Macron a récemment réitéré son refus catégorique, qualifiant le texte de « déséquilibré ». En s’alliant avec Rome et Varsovie, Paris espère constituer une minorité de blocage au sein du Conseil de l’UE. Si cette stratégie réussit, elle pourrait forcer la Commission à renégocier les termes de l’accord, un processus qui risquerait d’être long et incertain.


Une compensation économique suffisante ?

L’une des principales revendications italiennes est la mise en place d’un mécanisme de compensation financière pour les agriculteurs européens en cas de perturbations du marché. « Ce système doit être rapide, efficace et doté de ressources substantielles », souligne le gouvernement italien. Cependant, ce point divise les pays membres. Pour les agriculteurs français, ces compensations restent insuffisantes et ne résoudront pas les problèmes structurels causés par l’accord.

Au-delà des enjeux agricoles, cette opposition reflète une fracture au sein de l’UE. Certains pays, notamment l'Allemagne et l'Espagne, soutiennent l’accord, y voyant une opportunité économique majeure pour renforcer les relations commerciales avec l’Amérique latine. Mais d’autres, comme l’Italie et la France, privilégient une approche plus prudente, en mettant en avant la souveraineté alimentaire et la protection des standards européens